L'usage et les moyens
La signification pédagogique des conduites et des faits observables au fil de l'appropriation musicale enfantine
L’appropriation
musicale est un processus indirect, en deux phases. La première est
interindividuelle, au travers des activités musicales communes. Cet
usage musical − le partage de l’environnement musical en cours − va
profiter à ceux qui n’en ont encore que partiellement la maîtrise.
L’activité qu’il rend possible, et ainsi le surcroit d’aptitude
favorisé, laisse des traces : l’enchainement des gestes et leurs
conséquences auditives subsistent en nous et sont réactivables au gré
de situations analogues. Les traces d’organisation et d’adaptation
motrice tendent à s’enrichir au gré des répétitions, et accroissent
ainsi les possibilités de participation à l’usage musical.
Seulement l’accès à l’espace musical, condition première de cette
évolution, n’est pas une aptitude préétablie. Le besoin de musique,
facteur énergétique fondamental de l’appropriation musicale, va sursoir
à cet inachèvement en recourant de manière transitoire à des
fonctionnalités extérieures au domaine musical proprement dit, les
facilitateurs d’accès. L’enfant va y recourir spontanément, mais ils
sont aussi un instrument pour le pédagogue.
J’appelle moyens musicaux les activités mentales dont l’absence ou la
faiblesse sont compensées par l’usage musical. Au gré tant de l’âge que
de l’expérience, ils montent en force vers leur finalité : la
possibilité de reconstituer l’espace d’usage de manière
autonome. De l'usage aux moyens s'accomplit donc un processus
d’intériorisation, mais qui ne nous est pas accessible. Dès lors, c’est
l’usage musical qui appelle sur lui l’action pédagogique.
Cette théorie de l’appropriation musicale est un interface entre
pédagogie et didactique. Ainsi est mis à disposition du pédagogue de la
musique un instrument de réflexion sur sa pratique, et des moyens
pour créer un appareil didactique cohérent avec le développement
musical de l’enfant.
Pierre Zurcher